Un brin d’histoire

Un aperçu de l'histoire de l'Association...

C’est en 1932, à Trois-Rivières, que s’opèrent les balbutiements de l’association que nous connaissons aujourd’hui, quand une douzaine d’éditeurs mettent sur pied l’Association des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale francophone pour faire la promotion de leurs intérêts au Canada. Quatre ans plus tard, l’organisation dirigée par Louis Francoeur devient l’Association des hebdomadaires de langue française du Canada, et permet à l’industrie de rayonner à l’extérieur du monde rural où elle avait été jusque là confinée.

1. Les débuts de la presse hebdomadaire

Au Québec, en 1765, un an après que le Traité de Paris a cédé le Canada à l’Angleterre, le premier journal voit le jour. The Quebec Gazette subsiste encore sous le nom de Quebec Chronicle Telegraph, et demeure le plus vieux journal d’Amérique du Nord publié à ce jour. The Gazette apparaît ensuite à Montréal en 1778 : bien que le nom soit anglais, ce journal est publié en langue française jusqu’en 1855. Dès ses débuts, ce sont les défenses des causes sociales ou politiques qui caractérisent la presse écrite québécoise. Cette presse à l’avant-garde de la plupart des progrès sociaux, académiques, culturels et démocratiques voit le jour au pays.

De cette tradition, de cette filiation logique d’idées est apparue le premier hebdomadaire en 1806 : Le Canadien, suivi du Courrier de Québec, du Spectateur, et, plus tard, de La Minerve, du Courrier de St-Hyacinthe, de La Gazette des Trois-Rivières, pour ne nommer que ceux-ci. Ces journaux ont permis aux premiers littérateurs d’exprimer leurs pensées sur les enjeux nationaux en cours. Les quotidiens sont à la chasse de nouvelles et souvent à cette époque, les hebdomadaires traitent des choses de l’esprit et de l’activité intellectuelle. Au début du XIXe siècle, les ‘semainiers ’ contribuent à l’éducation d’un peuple majoritairement rural. Ludger Duvernay publie La Gazette des Trois-Rivières en 1817 et fixe ainsi la date de naissance du premier hebdomadaire régional, issu hors des grands centres urbains qui ont vu leur premier hebdomadaire en 1765 (Québec) et en 1785 (Montréal).

Le journalisme des années 1860-1900 est politisé : différents partis cautionnent quotidiens et périodiques. Généralement, les journaux soutiennent un des deux grands axes politiques (le rouge libéral ou le bleu conservateur) et les auteurs des articles sont très souvent instigateurs de polémiques virulentes. La transformation de la presse d’opinion en presse d’information débute entre 1884 à 1919. Les imprimeurs, souvent propriétaires des journaux, avaient compris que pour qu’un journal soit plus accessible, il doit s’adapter à un plus grand nombre de lecteurs qui assurent la rentabilité de ce dernier, non pas par le produit de sa vente, mais plus par ce qu’il représente pour l’annonceur.1 Plusieurs hebdomadaires diocésains apparaissent à cette même période pour s’opposer à la libéralisation d’un grand nombre de quotidiens.

La crise économique de l’avant deuxième guerre mondiale isole le monde rural. Pour contrer l’esseulement, la presse hebdomadaire se met au service des gens des campagnes en leur livrant opinions et messages apostoliques. La plupart du temps une affaire de famille, le semainier régional était rédigé, édité et imprimé lors des temps morts à l’imprimerie locale. La crise de 1929 affaiblit la grande majorité de ces entreprises déjà précaires, encore réfractaires à la modernité. L’hebdomadaire d’une petite ville de province y est encore constitué de trois feuilles recto verso appelé le grand format : 18,5 x 24 pouces.
Il (l’hebdomadaire) est le défenseur de la tradition canadienne-française en parfait accord avec les prêches de l’Église catholique. Sans rentabitlié, isolé et client pauvre de la petite imprimerie jouxtant la place du marché locale, le journal rural essaie tant bien que mal de survivre dans les années précédant la Deuxième Guerre mondiale. Les annonces encadrées, encore rares, ne procurent qu’un revenu d’appoint. Seule, la vente à la copie ou à l’abonnement assurait le minimum vital.2

1. Longeval Jean, La Presse hebdomadaire régionale du Québec., Conférence prononcée le 15 novembre 1989 dans le cadre des Conférences Ouest-France. Association des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale francophone.
2. Malo Jean-Pierre, Histoire de l’association des hebdomadaires régionaux francophones du Québec, manuscrit inédit.

2. De l’Association des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale francophone de 1932, à l’Association des hebdomadaires de langue française du Canada : les années 1936-1966

En 1932 et lors d’un premier congrès tenu à Trois-Rivières, une douzaine d’éditeurs d’hebdomadaires décident de réunir leurs forces afin de mettre sur pied un organisme pour promouvoir leurs intérêts au Canada : l’Association des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale francophone. Par un samedi d’octobre 1932, Louis Francoeur est élu premier président de cette association et signe des temps, une missive est envoyée au Pape Pie XI par les premiers dirigeants afin qu’elle soit bénie. En 1936, l’Association des hebdomadaires de langue française du Canada s’incorpore et son nom subsiste jusqu’en 1966. Des personnalités remarquables font partie de ce premier bureau de direction : les sénateurs Jules-Édouard Prévost, éditeur de L’Avenir du Nord, et Gustave Lacasse éditeur de La Feuille d’Érable de Tecumseh en Ontario; Louis-Arthur Giroux, futur conseiller législatif sous Maurice Duplessis. L’Association permettra aux campagnes de sortir de leur isolement et deviendra l’instrument catalyseur pour la reconnaissance des hebdos auprès des gouvernements et des agences de publicité.

Ernest Gagné, vice-président, Edward Gervais, président, Raymond Douville, secrétaire-trésorier, Lionel Bertrand, Adrien Bégin, Aimé Gagné, Paul Tremblay

La formule de l’hebdo : 1940 à 1950.
Après avoir trouvé leur voie, les hebdos veillent à accroître leurs gains. Dès les débuts de l’Association, un de leurs premiers membres, Albert Gervais, avait constaté ceci : Un journal, c’est une affaire. C’est un commerce comme un autre et même un des commerces les plus compliqués qui soient. Il est donc de toute nécessité que nous menions notre affaire commercialement avec méthode et avec le plus d’ordre possible.1 En pleine seconde guerre mondiale, l’Association doublait ses effectifs : en 1932, ils étaient 22 membres, puis 46 en 1939 pour passer à 80 en 1949. 80 hebdomadaires composaient l’Association jusqu’en 1970. De la promotion de l’agriculture familiale, au défrichement de nouvelles terres, à la petite entreprise privée ou à la coopérative sous l’Union Nationale de Maurice Duplessis, la politique mêlée aux affaires locales séduisait de plus grands commanditaires. Un partenariat avec la CNWA (Canadian Weeklies Newspaper Association) aura permis à l’Association d’assister aux délibérations et de s’inspirer d’un certain savoir-faire d’une association aînée (la CNWA est fondée en 1919). Cette union aura surtout permis à l’Association d’avoir accès aux relations privilégiées que la CNWA entretenait avec toutes les agences de publicité canadiennes. Jusque-là, les quotidiens obtenaient la plus grande partie des annonces des grandes entreprises. Comme le partenariat a autorisé l’Association des hebdos à bénéficier des budgets gouvernementaux de publicité sur « les emprunts de la victoire », l’ère de la publicité dans les journaux devient territoire commun.

Cette nouvelle manne engendrée par les revenus publicitaires permet aux hebdos d’embaucher une main-d’œuvre plus qualifiée. Les articles publiés étaient très souvent à cette époque identifiés par un pseudonyme ou ne comportaient tout simplement pas de signature. Plutôt que de traquer une information objective comme le font la plupart des quotidiens de l’époque, la politique partisane, la morale religieuse, l’éducation et le divertissement occupent encore la plus grande plage des hebdos de province.

1. Anonyme, Extrait de : «Rétrospective sur les années 1936-1949», Album Souvenir de nos premiers vingt-cinq ans 1932-1957, Les hebdomadaires de langue française du Canada, 1958.

3. Entre 1949 et 1957 : après-guerre, évolution technique et presse encore bâillonnée

Ces années sont témoins de changements étonnants. À cinq sous la copie, les 16 à 20 pages de grand format bénéficient de meilleures techniques d’impression et de reproduction et de photographies dont le nombre s’est considérablement accru. Le journal se différencie de plus en plus de l’imprimerie grâce à l’avènement de l’offset1 qui accentue le processus de différenciation et de spécialisation de l’entreprise. Il est possible avec cette nouvelle technique de produire un journal sans posséder d’imprimerie.

La moitié du contenu du journal est constitué d’annonces publicitaires locales et nationales qui ne cessent d’augmenter (ces dernières sont montées par des agences spécialisées) : elles sont la plupart du temps situées au-dessus des articles, bien en vue. Sans journalistes ou presque, il faut bien remplir les longs espaces entre les annonces commerciales…2 À ce moment, les élites locales, politiques ou ecclésiastiques sont encore bien représentées, mais l’actualité sportive, les chroniques mondaines et féminines se multiplient.

Adrien Bégin à gauche, président sortant félicite le nouveau président de l’Association des Hebdos de Langue française du Canada, M. Gérard Brady

En 1951, le nombre de membres au sein de l’Association atteint le chiffre magique de 100 et s’élève à 106 lorsque les hebdos francophones hors Québec sont comptés. Au cours du congrès de la même année, le concours annuel des hebdos est mis en place; l’Association est reçue par le maire de Montréal Camilien Houde, Paul-Émile Léger, archevêque de Montréal préside l’ouverture du congrès semi-annuel et le président Adrien Bégin représentait l’Association sur le premier vol Montréal-Paris d’Air Canada. Les congrès successifs ne se tenaient plus seulement en province : c’est à Winnipeg qu’a lieu celui de 1954, et les compagnies Canadien National et Canadien Pacifique ont permis à 95 délégués d’y participer en échange de publicité gratuite et comptes-rendus élogieux.

La nouvelle manne issue de la publicité change la donne. Le phénomène de l’isolement s’atténue. Une conscience se forme au sein des éditeurs quant aux contenus de leurs pages : il est devenu impératif de dispenser une formation aux membres pour contrer divers problèmes. Du plagiat au manque d’originalité, un effort de sensibilisation aux droits d’auteur est ratifié par la signature d’une entente avec la Société des gens de Lettres dans le but d’acquitter tous les frais de reproduction. Le plagiat était jusqu’alors un acte fréquent.

1. Offset : Procédé d’impression par décalque sur caoutchouc. Extrait de : Dictionnaire multifonctions TV5 Monde, consulté le 23/04/07.
2. Malo Jean-Pierre, Histoire de l’association des hebdomadaires régionaux francophone du Québec, manuscrit inédit.

4. Les années 60’ : la nouvelle presse hebdomadaire

La poussée de l’après-guerre a favorisé l’émergence de la consommation de masse. L’hebdomadaire s’insère dans le réseau de l’annonce nationale. Régionalisme et entrepreneurship local vont de pair. C’est l’éclatement de la presse uniquement rurale, car le journal-entreprise fait sa percée sur le marché montréalais (1).

Les premiers participants du cours de journalisme donné dans les locaux de l’Organisation de l’aviation civile internationale à Montréal (1080, rue Université)

L’environnement journalistique des années 1960 est marqué par la dépolitisation des quotidiens : elle transparaît dans leur présentation, leurs rubriques et leur contenu. Les commentaires sont dorénavant sobres et les journaux évitent les prises de position trop nette. Cet héritage de la presse anglo-saxonne qui pose le principe de la relation « objective du fait » n’est pas tout à fait analogue au type culturel québécois qui est plutôt nuancé et émotif : le côté latin pousse à formuler une critique subjective des faits et des hommes. Ces principes, que les hebdomadaires régionaux adoptent, favorisent les débats au cours des stages d’étude en journalisme que divers membres de l’Association poursuivent à l’Université de Montréal. Les stagiaires bénéficieront de cours dispensés entre autres par Jacques Parizeau, professeur aux Hautes-Études commerciales, René Lévesque commentateur à Radio-Canada, les directeurs de La Presse et du Devoir. Pour améliorer contenus et contenants, des cliniques itinérantes sont offertes dès 1961. Elles visaient à traiter tous les aspects importants du journal : élever la qualité, la rentabilité, la rédaction; maximiser la collecte et la diffusion de l’information; améliorer les techniques de photographie, de graphisme et de construction des maquettes, traiter de la publicité locale, de l’impression et de l’administration.

Groupe des rédacteurs inscrits au premier cours d’initiation au journalisme donné à l’Université de Montréal

Comme il existe déjà une certaine scission à cette époque entre l’information dispensée par un quotidien et un hebdomadaire, la formule la plus valable reste d’offrir aux lecteurs, ce que Yves Michaud appelle une ‘marchandise différente’ de celle qu’ils trouvent dans la presse quotidienne.

Ce qui revient à dire, en bref, à repolitiser, au sens le plus large du mot, les journaux régionaux, à leur donner un caractère original, à accentuer leurs prises de position sur tous les problèmes qui défraient la chronique de l’actualité à l’échelle de la vie locale, régionale, provinciale, nationale et même internationale (2).

1. Longeval Jean, La Presse hebdomadaire régionale du Québec., Conférence prononcée le 15 novembre 1989 dans le cadre des Conférences Ouest-France. Association des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale francophone.
2. Michaud Yves, La presse régionale Problèmes actuels et Perspectives d’avenir, notes de cours du stage d’étude en journalisme, Université de Montréal, Montréal, quatrième stage, 8, 9 et 10 septembre 1960, V-5.

5. L’émancipation de la presse : un reflet social

Congrès au Manoir Richelieu de 1960 en présence de M. Jean Lesage

Les transformations intérieures qui s’opèrent au cours des années 1960 ont été annoncées dans les décennies précédentes. La structure politique féodale de Maurice Duplessis qui a eu lieu dans une province rurale pauvre aura écrasé les citoyens, protégé l’économie locale et développé les investissements étrangers. Les artistes, qui ont signé le Refus global en 1948, exigeaient l’abandon du régime tyrannique de l’église catholique : les répercussions sont tangibles dix ans plus tard. Au début des années 1960, le Québec ne possède pas de bibliothèque nationale; la diffusion de la culture canadienne-française est encore assujettie au dogme religieux. Gilles Vigneault, Felix Leclerc, Raymond Lévesque, Pauline Julien chantent le nationalisme québécois. Puis, le Québec moderne apparaît le 22 juin 1960, jour de l’arrivée au pouvoir de Jean Lesage. Son programme politique amorce la bataille contre l’immobilisme adopté par les gouvernements précédents et marque l’aube de la Révolution tranquille. Cette période voit l’apparition de plusieurs infrastructures d’envergure: la construction abondante d’autoroutes, la création d’organismes visant l’expansion de l’économie de la province, la nationalisation de l’électricité se concrétise en 1963 avec l’apparition d’Hydro Québec, la Caisse de placement et dépôt du Québec, la Bibliothèque nationale du Québec en 1967 et l’UQÀM en 1968. Socialement, l’État providence s’installe : il s’occupera désormais de la santé de sa population et de son éducation. Ce milieu remplacera les religieux par un personnel laïc et diplômé. L’exposition universelle de 1967 ouvrira les yeux des Québécois sur leur savoir-faire et leurs possibilités (1).

Lester B. Pearson, premier ministre du Canada et Lionel Bertrand, Ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche dans le cabinet du gouvernement provincial sous Jean Lesage.
Congrès des Hebdos, Manoir Richelieu les 15, 16 et 17 août 1963, M. Pearson a prononcé une allocution lors de ce congrès qui portait sur l’envahissement culturel et économique américain et les mesures privilégiées par le Canada pour la défense et la diffusion de son héritage culturel bilingue.

C’est l’atmosphère dans laquelle se poursuit l’évolution des hebdos. Radio-Canada leur consacre une émission radiophonique qui passe en revue les nouvelles parues dans plusieurs éditions régionales : les hebdos deviennent un outil de communication efficace des diverses activités en cours sur le terrain québécois. Les sujets abordés ont souvent trait à la petite histoire d’une région et mettent en valeur son essor intellectuel. Récits de vie littéraire et artistique, commentaires d’expositions, évènements sociaux, initiatives et curiosités sont traités de façon animée et descriptive.

En 1966, l’Association des hebdomadaires de langue française du Canada devient Les Hebdos du Canada et ‘marque le passage du rural à l’urbain, de la feuille semainière d’opinion à l’hebdo d’information régionale’2. La poursuite commerciale ayant porté fruit, leur apparence et la qualité de leurs propos doivent être repensés de façon à attirer la clientèle publicitaire. Yves Michaud a recensé au début des années 1960 que sur 97 hebdos, 69 ont opté pour le format tabloïd. Ce format est plus facile à manipuler et l’espace amoindri favorise la vente de publicité à la page. Finalement, les lecteurs associent le tabloïd à la modernité.

1. Lambert, Phyllis, «Les transformations intérieures», Les années 60 Montréal voit grand sous la direction d’André Lortie, Centre Canadien d’Architecture, Montréal, Douglas & McIntyre, Vancouver et Toronto, 2004, p.15-19.
2. Malo Jean-Pierre, Histoire de l’association des hebdomadaires régionaux francophone du Québec, manuscrit inédit.

6. Les années 1970 : la concentration de la presse

Les années 1970 marquent l’apogée des transformations au Québec; le gouvernement est intervenu dans toutes les sphères sociales, économiques et éducationnelles. Femmes et syndicats ont plus de présence et de pouvoir. Pour les hebdos, les préoccupations se tournent vers la composition à froid, le prix du papier journal, l’administration de l’entreprise de presse qu’elle est devenue, la distribution gratuite que font quelques éditeurs dans certains quartiers et par-dessus tout, la concentration et la liberté de presse. La prolifération des quotidiens et des hebdomadaires n’a plus ‘bonne presse’ ; le phénomène de concentration de presse provoque la diffusion d’une information de plus en plus biaisée par ces monopoles.
La concentration, est le processus économique et financier qui caractérise un marché marqué à la fois par la réduction du nombre des acteurs et par l’augmentation de leur envergure. (…) Dans le secteur des médias, le concept de concentration renvoie à deux dimensions : la concentration de la propriété des entreprises et la concentration du contenu rédactionnel, la seconde pouvant découler de la première.1

Ce phénomène encore peu présent au sein des hebdos à la fin des années 1960, fait quand même l’objet d’importantes commissions d’enquêtes. L’Assemblée nationale au Québec s’interrogera sur la liberté de presse en 1969 et un comité spécial du Sénat canadien (le comité Davey, 1968) se penchera sur les moyens de communication. Tout au long de la décennie 1970-1980, le mouvement de concentration s’accentue dans les hebdos aussi : à cet effet, la ‘presse de province’ est secouée.

Un mois plus tôt, sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement québécois a institué une Commission parlementaire spéciale sur les problèmes de la liberté de la presse, la première du genre au Québec. Les députés Yves Michaud, Robert Bourassa, Pierre Laporte et Jean Lesage en font partie. Ses travaux demeureront inachevés. Elle propose néanmoins une intervention de l’État, sous forme d’une régie de contrôle et d’une loi contre le monopole des entreprises de presse. Elle réclame aussi la création d’un conseil de presse et la tenue d’une Commission royale d’enquête.2

Le rapport déposé en 1970 par le comité Davey conclut à la nécessité d’une intervention gouvernementale dans l’industrie des quotidiens pour contrer la trop grande concentration de la propriété. En évitant d’émettre des généralisations quant au type de propriété des journaux versus leur qualité, le comité conclut que trop d’entreprises fournissent un produit dont la qualité est inférieure à ce qu’elles pourraient offrir, compte tenu de la rentabilité de leurs activités. Certaines propositions seront formulées pour une intervention de l’État afin de freiner le mouvement de concentration.

1. Marc Raboy, Les médias québécois: presse, radio, télévision, inforoute, Montréal, Gaëtan Morin, 2000 [2e éd.], p. 386.
2. Inévitable la concentration?, Radio-Canada, consulté le 22/04/07.

7. Conseil et liberté de presse

On reconnaît ci-dessus les représentants des quatre groupes qui ont signé une entente créant le Conseil de presse du Québec. Ce sont, de gauche à droite, MM Gilles Gariépy, président de la FPJQ; Pierre Dansereau, président de l’Association des Quotidiens du Québec; Ferdinand Berthiaume, vice-président de l’association des Hebdos du Canada et un représentant de l’association canadienne de la radio et de la télévision de langue française.

Au Québec, le Conseil de presse voit le jour en 1973 et demande aussitôt au gouvernement de créer un organe de surveillance des mouvements d’entreprises dans le secteur des médias. Au sein des groupes de la presse écrite, ces affaires créent des divergences d’opinion. Les hebdos se prononcent ainsi :
La garantie d’une information complète pour le public réside dans la possibilité pour lui d’avoir accès à plusieurs sources d’information. Si une concentration exagérée des entreprises de presse où le monopole de la presse limitait de façon anormale les sources d’information, le droit au public à l’information et à la liberté de presse seraient donc dangereusement compromis. On est souvent tenté de réclamer l’intervention de l’État dans tous les domaines. Nous sommes d’avis que les entreprises de presse devraient être laissées à leurs propres moyens, loin de toute intervention de l’État, aussi bien sur le plan économique que sur le plan de l’information. Une presse indépendante, même si elle était faible, serait toujours supérieure à une presse florissante sous la dépendance des pouvoirs publics.1

Un code d’éthique est d’ailleurs mis en vigueur dès 1966 au sein de l’Association et ce dernier est resté pendant longtemps le seul code d’éthique en matière de presse écrite. Ces directives sont imposées à tous les membres : la recherche de la vérité par des procédés honnêtes, la communication de la vérité par la fidèlité au fait, en évitant l’aspect sensationnel et les compromissions de toute sorte, le respect des journalistes et les droits du public2. Les éditeurs des Hebdos Régionaux résument ce code d’éthique ainsi : au droit strict de l’homme à se former librement une opinion et à la base essentielle de l’épanouissement de l’homme dans la société démocratique.3

Sans contredit, la meilleure façon pour l’État de jouer son rôle est encore de garantir l’exercice de la liberté de la presse et le droit du public à l’information.

La poursuite de la rentabilité ne freine pas : gratuité et circulaires transforment à nouveau le paysage des hebdomadaires. D’un petit nombre au début des années 1970, ils deviennent la norme dix ans plus tard. La publicité, seul moyen de défrayer les coûts toujours plus élevés de production d’un journal se métamorphose, tout comme le lecteur. Ce dernier consomme de plus en plus et l’hebdo déposé gratuitement à sa porte chaque semaine le conseille dans ses achats. En vingt ans, les chiffres de distribution explosent : c’est toute une microéconomie qui se développe. L’hebdomadaire régional répond au fait que les quotidiens ne suffisent pas à la demande en information locale. L’hebdomadaire régional traite de réalités diverses que ceux des grands centres : en se concentrant sur les enjeux locaux, il permet à son bassin de lecteurs de se rallier, d’être en lien constant avec la communauté environnante et devient ainsi un agent actif de changement. L’autre particularité importante de cette presse est qu’elle se distingue par sa tradition consensuelle.

En 1972, l’Association des hebdos du Canada devient l’Association des éditeurs de la presse hebdomadaire régionale francophone, que l’on nomme plus communément les Hebdos régionaux, et installe leurs premiers bureaux administratifs dans le Vieux-Québec.

Curiosités : Le premier hebdomadaire gratuit au Québec? Le Mascoutain, en 1954.
Le premier hebdomadaire gratuit à être accepté parmi ses membres? La Voix populaire de Saint-Henri, en 1965.

1. Propos de Jean-Paul Légaré, secrétaire journaliste des hebdos, extrait de :
Malo Jean-Pierre, Histoire de l’association des hebdomadaires régionaux francophones du Québec, manuscrit inédit.
2. Anonyme, Profil de la presse hebdomadaire régionale francophone au Québec, document de présentation produit par l’Association des hebdos régionaux, novembre 1987, critères d’admission cités dans l’annexe 2.
3. Extrait Radio-Canada, Congrès des Hebdos à Chicoutimi, 31 juillet 1966.